L'atelier d'artiste ou le secret gardé

Demandez à un collectionneur d'art contemporain s'il aimerait visiter l'atelier d'un des artistes qu'il affectionne et vous verrez ses yeux s'allumer...

Demandez à un collectionneur d'art contemporain s'il aimerait visiter l'atelier d'un des artistes qu'il affectionne et vous verrez ses yeux s'allumer. Pourquoi ? Parce que l'antre de l'artiste est si secret qu'il suscite fantasmes, excitation et questionnements. Mais cet atelier, qu'est-il au juste ? Pour le savoir, j'ai demandé à trois artistes de la galerie – Antoine Correia, Ozis et Emmanuel Pons – ce que représentait ce lieu pour eux.

Antoine Correia :

"L'atelier, c'est intime. Pour moi, ça relève d'une tradition classique, ça tient de la Renaissance, et ça continue jusqu'à l'apparition du tube de peinture qui permet de sortir peindre. Je perpétue ce classicisme et j'aime bien cette idée. Visiter les musées, parcourir les livres d'art, en ramener des sujets, et les détourner dans l'atelier, j'adore. Et puis j'ai la chance d'avoir mon atelier peinture au-dessus de mon atelier mécanique… j'alterne les plaisirs. Il faut monter une sorte d'échelle assez raide pour pénétrer dans l'atelier, comme ça, personne n'y vient ou presque. C'est genre, l'échelle de Jacob, pour moi, même si je n'en ai plus l'idée précise, en tout cas, je monte au Paradis quand je l'emprunte. C'est vrai, c'est intime, l'atelier. La crucifixion, c'est très personnel, comme sujet, je ne me vois pas faire des crucifixions n'importe où. Sinon, l'atelier, c'est aussi mes archives, mes esquisses. Et, parfois, je ressors le passé, ça me plaît, je retravaille le truc et ça donne un beau présent. Oui, c'est ça aussi l'atelier, un lieu de stockage des expériences, dans tous les sens du terme."

Ozis :

"L'atelier… c'est un grand mot. C'est toujours le bordel parce que j'accumule ce que je trouve dans les brocantes ou sur le Net. Tu vois, la mob en cours de réalisation, les mannequins, les délires de Star Wars, tout ça, après, ça va être top, ben je le fais ici. C'est pour ça que ça pue la bombe et les marqueurs, tu vois, c'est un peu ma fabrique, là. En même temps, comme c'est dans la maison, je peux voir mon fils Arsène quand je veux, il est encore tout petit et je graffe devant lui dans le salon, aussi. Mais dans l'atelier, je peux salir, c'est un lieu sans contrainte. En plus, ça fait pas longtemps qu'on a emménagé dans la maison avec ma nana, mais cet atelier, je le kiffe parce qu'il est grand, il est pratique. Après, moi, j'ai pas trop le culte du secret, je partage vachement sur Instagram, Facebook, donc je sais pas pour les peintres plus classiques, mais pour moi, c'est pas un sanctuaire, l'atelier."

Emmanuel Pons :

"Mon atelier, c'est mon prolongement, ma vraie maison et, si j'osais, je dirais mon moi profond. C'est là où (parfois) germent mes idées, se concrétisent les images que j'ai formées dans ma tête, c'est donc une salle d'accouchement ! C'est aussi une boîte de nuit et un club de jazz : il y a deux pièces dans l'atelier, séparées par de simples colombages évidés, et deux systèmes audio des années 70, l'un pour la musique électro, typé "basses", l'autre pour les voix, typé "medium". Je n'imagine pas créer une œuvre sans musique. C'est même parfois l'idée d'être dans cette ambiance qui me donne l'envie d'aller à l'atelier. C'est aussi un lieu très personnel. On ne m'y dérange pas et, de toute façon, je n'entendrais rien. Je suis coupé du monde, relié à moi, en connexion avec mes émotions, mes ressentis, prêt à laisser jaillir ce qui pourrait constituer une œuvre plus ou moins rapidement. Mon atelier, c'est mon champ des possibles. J'y suis, je suis en moi, je suis bien."

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