Sylvain Barberot Autodafé

15 décembre – 31 janvier 2017
Anne Perré Galerie – 9, rue Eugène Dutuit – 76000 Rouen

La proximité de la galerie Anne Perré avec l’église Saint-Maclou m’a conduit à produire des œuvres entrant en résonance avec ce bâtiment du XVIème siècle. Ainsi, le corps placé sous le linceul mortuaire posté en position verticale fait écho à l’iconographie judéo-chrétienne. Ce moulage de mon corps gît sous un drap blanc, reflétant la lumière telle une céramique émaillée. Le linge semble rigide telle une carapace fragile protégeant ce corps des regards trop indiscrets.. Cependant, la plaque d’inox sur laquelle repose le corps ramène l’objet vers la sphère scientifique. Le suaire se rapproche davantage de la table d’autopsie. Drôle de renversement : un saint autopsié !

Au blanc immaculé et laqué de ce corps répond une œuvre noire mate aux odeurs de suie – objet sourd se décomposant sur lui-même. Autodafé fait face à ce linceul revisité. Après avoir hérité cette « relique » de mon grand-père paternel, j’ai décidé de brûler l’objet – cet excès de mémoire – pour en faire un acte de foi, pour le sublimer esthétiquement et porter atteinte à la mémoire qu’il renferme. Alors que notre culture s’efforce de dessiner l’histoire au burin, je m’évertue à inhiber, déstructurer voire effacer ma propre mémoire. Je me donne entier à cette quête infinie, sans cesse renouvelée car le souvenir nous imbibe comme une éponge qu’il nous faut purger tous les matins.

Le ruban de Möbius est une forme géométrique qui se déroule dans l’espace pour finir sur elle-même, comme le signe infini (∞). Le moulage issu de mon propre torse est enduit du matériau qui a servi à réaliser le moulage. Un moulage moulé, donc. Ici, le corps de l’artiste regarde son reflet qui est lui-même l’œuvre de l’artiste tout autant que le reflet de son œuvre… et le ruban se referme à nouveau. La chair se répand sur son visage pour finir sur la plaque, noyant à terme son double. Il s’agit ici d’imager l’analyse du travail de l’artiste : le corps de l’artiste regardant sa propre production, son intériorité. Cette seconde peau rend invisible la finesse du tirage mais ramène l’objet à son état d’origine (moulage) comme à l’expérience du moulage. L’objectif est de montrer l’état physique et psychique dans lequel j’étais pour réaliser le moule : sans aucune conscience de la peau, des nerfs, des organes, en vue de réaliser une œuvre qui transmette cet état du corps. La boucle semble bouclée, tel un ruban de Möbius.

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